Martial Solal [08:54:11]

Biographie


Né à Alger en 1927, Martial Solal est assurément l'un des musiciens qui ont doté le jazz d'une nouvelle identité stylistique, marquée par l'Europe. Il faut voir plus qu'un hasard dans le fait que la dernière séance d'enregistrement de Django Reinhardt fut aussi, au printemps de 1953, la première pour le pianiste, convié comme accompagnateur du splendide manouche. Après avoir fait à Alger ses débuts de musicien professionnel, Martial Solal s'installe à Paris en 1950, et joue dans les clubs de la capitale où il accompagne la plupart des musiciens américains de passage. Prix Django Reinhardt de l'Académie du jazz en 1956, il s'affirme dès 1958 par l'originalité de sa Suite en Ré bémol pour quartette de jazz. Parallèlement, sa carrière de compositeur de musique de films commence avec éclat puisqu'il signe la partition de à bout de souffle de Godard en 1959. Poursuivant en trio une approche nouvelle des formes, il fait en 1963 un passage remarqué à New York, pour le festival de Newport, et revient aux états-Unis l'année suivante.


Du solo au big band, Martial Solal aborde, en improvisateur et en compositeur, tous les formats du jazz, et reçoit des commandes de solistes, d'ensembles de musique contemporaine et d'orchestres symphoniques. Une très belle technique pianistique, qui suscite très tôt l'admiration, sera par lui jugée insuffisante : c'est ainsi qu'après une rencontre avec le grand pédagogue Pierre Sancan, dans les années 70, il reprendra une étude méthodique de l'instrument jusqu'à atteindre le but qu'il s'était fixé : jouir d'une pleine liberté d'improvisateur par la conquête de moyens pianistiques qui repoussent à l'extrême les limites de l'invention instantanée. De nouvelles visites à New York, en septembre 2001 au Village Vanguard, puis au Lincoln Center, ont contribué à asseoir définitivement sa réputation Outre-Atlantique.


Le grand compositeur, musicologue et écrivain André Hodeir voit en lui un improvisateur sans égal en Europe. Par sa liberté tonale, son effervescence rythmique faite de ruptures, de bifurcations incessantes (mais sans jamais altérer l'idée même de jazzité), la musique de Martial Solal accomplit ce qui fut depuis toujours son ambition musicale : doter le jazz du langage et des œuvres qu'il mérite, à hauteur même de l'importance de cette musique, qui jamais n'a cessé de se transformer, depuis que Armstrong, Ellington et quelques autres lui conféraient ses premiers emblèmes d'excellence.


Grand Prix National de la Musique (1993), Martial Solal a reçu en 1999 le Jazzpar Prize danois, dont on a coutume de dire que c'est le "Nobel du jazz". En 1989, la Ville de Paris a créé un Concours international de piano jazz Martial Solal, qui a connu en 2002 sa troisième édition. C'est chez lui, dans sa maison de Chatou (Yvelines), que Martial Solal nous a accordé cet entretien, filmé du 3 au 5 décembre 2003. Il y évoque très largement sa vie, son parcours musical, ses rencontres, sa perception du jazz, de son histoire, et la place de son instrument, le piano, dans cette large mise en perspective.