Antoine Duhamel [07:34:41]

Jean-Daniel Pollet encore

  • Antoine Duhamel
    Et puis je reviens à Paris. Et alors, à ce moment-là, les choses reprennent. Etonnant, c'est que, dans les choses qui m'ont ramené à Paris, je pense que le fait de retrouver Jean-Daniel, ça m'intéressait, en particulier. Jean-Daniel qui se remettait d'une longue période difficile, et avec lequel on a fait un premier travail, qui n'était pas grand chose mais qui était intéressant à faire, qui était un travail sur le Père Lachaise. Passons. Ça a été ma seule expérience avec un synthétiseur, parce qu'on n'avait pas de sous, bien entendu. Donc, j'ai fait une musique pour synthétiseur, avec des copains. C'était amusant. Et après, il y a eu l'expérience de "Contretemps" qui était vraiment très poussée, parce que "Contretemps", il ressort tous ces souvenirs, et ces souvenirs c'était "Méditerranée", entre autres. Et d'autres que je connaissais moins. "Basset", je connaissais par coeur. Donc "Basset"... sauf que la musique n'avait pas été de moi à l'origine. C'était drôle parce que je me suis surexposé un peu sur la musique concrète qui a été faite sur "Basset". Et puis, le merveilleux film sur la lèpre qu'il a fait, avec ce personnage de Raymond Dakis qui domine. Tous les films de Jean-Daniel, depuis "Contretemps"... ça a été une expérience extraordinaire, extraordinaire, et un travail prodigieux parce que je me rappelle, quand j'ai commencé de me dire : "Qu'est-ce que je vais faire de nouveau sur "Contretemps" ?", il y avait déjà autant de musiques dans "Contretemps" que dans un film normal. Et en plus, on en a fait de grandes quantités. Une expérience merveilleuse. J'ai repris, du reste, l'orchestre de l'Ile-de-France pour le faire, mais sous ma direction. Et je dois dire expérience passionnante parce que, par exemple, de temps en temps, certaines choses de "Méditerranée" revenaient, et je voulais les surimpressionner. Et en plus, Jean-Daniel est venu tourner chez moi. Il m'a collé au piano. Il me demandait des improvisations. Il me torturait un peu, je ne savais pas quoi faire. Je me rappelle cette idée merveilleuse, comme ça, il me donnait les mots, ces mots-clés qui reviennent tout le temps dans "Contretemps". Et à un moment, il donne "inouï ". Alors j'ai joué (piano), le thème de l'"Offrande musicale", le thème que Frédéric le Grand a proposé à Bach. Pour moi, c'était un bel exemple de "l'inouï "d'une certaine époque. Ce qui fait que toute la musique, comme je l'ai conçue après, c'est peut-être la musique la plus élaborée que j'aie jamais faite pour le cinéma. Elle est d'ailleurs pas du tout genre musique de film, c'est une musique qui est une espèce de longue exploration du souvenir. C'est-à-dire qu'on part avec des références. Au début, il n'y a rien. Je sais que Jean-Daniel m'a emmerdé, parce qu'un jour il me dit : "Tu comprends...", je commençais par rien, une note, et puis il me dit : "Maintenant (c'était sur "Basset") maintenant j'ai un générique à vendre, alors il faut que tu me mettes de la musique". Je lui ai dit : "Mais comment je dois faire de la musique avant rien ?" J'ai trouvé une solution mais c'était pas facile. Et puis, il y avait peu à peu des souvenirs qui venaient de "Méditerranée", qui venaient de ce thème, qui venaient du quatuor de Beethoven, le merveilleux quatuor de Beethoven qui se trouve indiqué par Baronnet dans les images que Jean-Daniel a empruntées. C'est extraordinaire cette construction que ça m'a amené à faire. Du souvenir, on sort des choses. Et peu à peu, il y a ce message, j'en ai déjà parlé, je ne vais pas recommencer, il y a une espèce de thème qui se construit, qui est... (piano), ça vient de la chanson grecque, ça vient de "Méditerranée". Je joue faux, c'est "Méditerranée". Ensuite (piano), "Méditerranée" encore. Puis j'enchaîne avec Bach. Il y a une espèce d'enchaînement mélodique qui trouve son épanouissement complet dans une séquence qui est, pour moi, une de mes préférées de ce film, c'est la séquence où Sollers, par ailleurs, lit le poème "Satan" de Baudelaire.
  • (Silence)