Patrice Leconte [07:47:56]

Une Promesse (2013)

  • Danièle Heymann
    Alors, on arrive à une expérience et une aventure tout à fait particulière qui est Une promesse, premier film de Patrice Leconte en anglais.
  • (Silence)
  • Patrice Leconte
    Pour Une promesse, les choses se sont emmanchées, pardon pour le mot, d’une manière à la fois normale, harmonieuse et inhabituelle. Je veux dire par là que c’est Jérôme Tonnerre, co-scénariste de plusieurs de nos aventures cinématographiques, qui un jour, c’est souvent arrivé comme ça, en fait les films, un jour on avait une réunion de travail ou amicale, je sais plus, et il sort de sa poche, un livre, qui était Le Voyage dans le passé, de Zweig. J’avais lu Zweig, mais pas ce livre-là. C’était la même chose quand Olivier Barrot avait sorti Villa triste, ou quand Philippe Carcassonne avait sorti au téléphone Les fiançailles de Monsieur Hire de Simenon. Ou quand Gilles Podesta avait sorti Le Magasin des suicides. Donc j’ai fait pas mal de films en étant assis face à un type, un producteur en l’occurrence, ou un scénariste, qui sort de sa poche un livre. Et il me dit : “Tiens, tu devrais lire ça parce que, je sais pas, il y a peut-être un film pour toi, pour nous, enfin pour toi”, me dit Jérôme Tonnerre, “Il y a peut-être un film pour toi, là”. Évidemment, d’autant plus que c’est pas six cents pages, c’est un tout petit livre, c’est une longue nouvelle, c’est quatre-vingts pages, même pas. Alors le soir même, je me précipite là-dessus parce que Jérôme est un ami, il est de bons conseils, il me connaît bien et s’il sort un livre en disant : “Tiens tu devrais lire ça.” C’est que… C’est que ! Alors je le lis. Je ne suis pas frappé d’une évidence folle en lisant le livre, il a fallu que ça… Quand on trempe un sachet de thé dans une tasse, le thé n’est pas buvable tout de suite, il faut attendre que ça infuse un peu. Hé bien là, ça a été pareil. Pas des tonnes de temps bien sûr mais… Le lendemain matin, j’ai téléphoné à Jérôme Tonnerre et je lui ai dit : “Écoute, j’ai lu hier soir, c’est beau, c’est très beau cette histoire, je sais pas, tu me laisses encore un peu de temps pour ré…” enfin bon, bien sûr. Puis j’ai réfléchi toute la journée, enfin une partie de la journée, puis je l’ai rappelé en lui disant : “Mais oui, je suis un âne, bien sûr, c’est un film formidable. On va faire un film. J’espère un film formidable”. Et on s’est mis à écrire le scénario, en français. L’histoire se passe au moment de la Première Guerre mondiale en Allemagne, donc c’est un film très allemand et très daté aussi, très dans une époque précise. Mon… mon idée, c’était en aucun cas de faire le film en français. Ça aurait été absurde d’avoir des acteurs français qu’on connaît qui jouent des Allemands, c’est aberrant. Au tout début, je me suis dit : “Tiens dans le fond, le mieux du mieux c’est de le faire en allemand, et en Allemagne.” mais je ne parle pas un mot de cette langue. Et un réalisateur français qui vient en Allemagne pour faire un film en allemand, dans une langue qu’il connaît pas … Franchement, c’était bizarre. Les producteurs, Fidélité, quand ils m’ont dit : “Mais, on va le faire en anglais”. Et je dis : “Bah oui bien sûr, bien sûr.” Parce que l’anglais, c’est cette langue universelle, merveilleuse, qui fait que… le film de Cronenberg par exemple, qui s’appelle A Dangerous Method, qui met en scène, quand même, Freud et Jung ou Kant, enfin Jung je crois, c’est ça, il y a quand même pas plus Allemand et Autrichien que ces deux-là, ils parlent anglais et ça, et voilà. C’est ça qui est merveilleux avec l’anglais donc on a décidé de faire le film en anglais. Et moi, ça m’a enchanté. Je ne suis pas bilingue, je me suis dit : “Je m’en fous, je me débrouillerai, ça ira, je me débrouillerai. Et ça m’a enchanté malgré ce petit handicap de l’anglais mais que j’ai enjambé vite fait, ça m’a enchanté parce que je me suis dit : “Enfin je vais pouvoir travailler avec des acteurs anglais.” Parce que je trouvais que les cinéastes anglais avaient beaucoup de chance de travailler avec des acteurs anglais, ce qui est normal pour eux. Mais je sentais chez les acteurs anglais… une perfection, une intention, une intelligence, un professionnalisme, enfin toutes ces choses qui sont également le fait de bon nombre d’acteurs français, mais pas… pas de la même manière. Et… Et j’ai pas été déçu, parce qu’y’a effectivement chez ces acteurs anglais, ou alors je suis tombé sur les trois uniques au monde, mais je crois pas. Ils font vraiment le même métier que les acteurs français mais ils le font pas tout à fait de la même manière. Y’a, y’a une intelligence du rôle, y’a… enfin c’est aussi bête que ça à dire, mais voilà, ils travaillent. Beaucoup. Et quand ils arrivent sur le plateau, ils connaissent le personnage et si on dit à… et si je dis à Béatrice Hall par exemple : “Demain, on va pas faire la scène 17 parce que y’a un problème de je sais pas quoi mais on va plutôt faire la scène 23.” “Pas de problème Patrice”. Figurez-vous que, ça va vous sembler dérisoire, mais ça l’est pas, en deux mois de tournage, je n’ai jamais recommencé une prise pour un petit trou de texte, une erreur, une virgule déplacée, jamais. Des Stradivarius. Et… Et dès la première prise, ils avaient compris depuis le début, je leur avais dit : “Je fais très peu de prises si possible, si ça vous va.” Et ça leur allait très bien parce que je crois qu’en moyenne on faisait deux ou trois prises par plan. Et c’était très bon.
  • Danièle Heymann
    Alors bon, ce casting, Richard, alors c’est formidable parce que ce sont quand même des comédiens qui viennent de blockbusters incroyables, il y a Richard Madden, qui vient de Games of Thrones, il y a le grand, grand Alan Rickman qui quand même a été le Professeur Sirius Rogue dans tous les Harry Potter, Rebecca Hall qui vient aussi de Woody Allen et d’Iron Man 3. Donc, je veux dire, c’est un casting hallucinant, comment, comment ces trois-là sont arrivés sur le film ?
  • (Silence)
  • Patrice Leconte
    Pour le casting de Une promesse, comme je connais assez bien les comédiens français, mais les comédiens anglais je sais pas trop, je… enfin je les connais beaucoup moins bien évidemment, et pour avoir l’idée d’Untel ou d’Unetelle, etc., je me suis fait aider par une femme formidable, casting director, Susie Figgis, qui a fait tous les castings de Tim Burton tout ça, elle est, elle est drôle, un peu rock’n roll, elle aime le vin blanc, elle est, elle est marrante, enfin elle fait les castings chez elle, elle est… elle m’a plu beaucoup, beaucoup. Et surtout ce qui m’a plu aussi au-delà de ça, c’est qu’elle avait vraiment une intelligence du scénario, des personnages, des acteurs et elle m’a pas fait rencontrer des gens dont je me suis dit : “Mais pas elle, vous êtes folle !” Enfin non, c’était toujours juste ce qu’elle me proposait et elle m’a parlé au… tout d’abord de Rebecca Hall, pour faire Lotte. Rebecca Hall, je l’avais vue dans le film de Woody Allen mais c’est tout, si, je l’avais vue dans The Town de Ben Affleck. “Oui… pourquoi pas, bien sûr, on va voir”… Je l’ai rencontrée à Paris, on a pris le thé dans un hôtel, elle était de passage à Paris…, on s’est entendus très bien, elle m’a touché, mais très sincèrement, quand je suis sorti de ce rendez-vous où elle était très charmante, elle avait lu le scénario, elle parlait bien du personnage, la question était pas là, mais je trouvais qu’elle était trop… normale, c’était vraiment la fille de la porte d’à côté, c’est-à-dire que je me disais : “Si je suis dans un restaurant et qu’elle rentre dans le restaurant, je vais continuer mon foie de veau, je vais pas relever les yeux en disant : “Mon Dieu, qui est cette femme ?” C’est-à-dire… Le petit coup de foudre dont j’ai parlé par rapport aux actrices, cette envie de filmer cette femme et tout ça, ne s’est pas imposée à moi d’une manière fracassante. Je la trouvais bien… Et puis j’ai enjambé cette… c’est pas une appréhension, j’ai enjambé ce, ce… ce petit manque d’enthousiasme, puis je me suis dit : “Dans le fond, Susie Figgis elle doit avoir raison, je crois que d’abord cette jeune femme est charmante, disponible, ouverte, intelligente, elle parle bien du scénario, elle a forcément, manifestement une sensibilité. Pour me rassurer, j’ai vu quelques photos d’elle, de choses qu’elle avait faites au théâtre ou pour la BBC, des choses en costumes, avec des chapeaux, des voilettes et tout ça, et elle portait la toilette comme c’est pas permis. Mais c’est pas commode, vous savez, de prendre le thé avec quelqu’un qui a un tee-shirt et un jeans et de se dire on va être en 1912, en Allemagne. Alors… alors ça m’a définitivement rassuré et puis j’ai, et puis j’ai fait confiance parce que j’aimais beaucoup cette femme… même si j’avais ce petit truc qui me retenait par la manche, ce petit manque de certitude, voilà. J’ai été heureux parce que j’ai pas, j’ai pas vu d’autres actrices que elle, c’était la première que j’ai rencontrée et je me suis dit : “Oui, dans le fond c’est parfait, elle est libre, elle a envie.” Alan Rickman, moi j’ai jamais vu aucun Harry Potter, j’avais dû le voir je sais plus trop où mais enfin tout le monde me dit : “Oh Alan Rickman !” et je dis : “Bah ouais, enfin !” Ça m’impressionnait pas. Richard Madden, j’ai jamais vu Games of Thrones parce que c’est pas du tout ma tasse de thé, l'heroïc fantasy et tous ces machins-là. Donc… j’ai tourné avec des acteurs fameux sans jamais les avoir beaucoup, beaucoup vus dans les films des autres. Et Alan Rickman, quand je l’ai rencontré dans… donc j’étais pas impressionné par eux. J’étais pas… dans la situation de quelqu’un qui rencontre Marlon Brando, enfin vous voyez ce que je veux dire. Et puis j’ai pas ce rapport-là avec les acteurs parce que quand on met les acteurs trop sur un piédestal, ils en profitent, souvent et… et moi, je ne suis pas la Reine d’Angleterre, mais eux non plus, c’est-à-dire que on, on… “Vous êtes acteurs, je suis metteur en scène, le film vous plaît, on va travailler ensemble.” Ça peut être très simple et c’est très simple. Et ça empêche pas le talent. Alan Rickman, quand je l’ai rencontré, il hésitait beaucoup, parce qu’il voulait me rencontrer, donc je suis allé à Londres pour le voir, on a passé un bout d’après-midi ensemble. Il hésitait beaucoup parce qu’il venait de se taper deux films américains, sur lesquels il avait pas été super heureux, des personnages qui l’intéressaient qu’à moitié, il s’était un petit peu emmerdé. Quand il faisait les Harry Potter, c’était du temps de maquillage, des trucs, on attend trois heures avant de faire un bout de plan enfin pffttt… c’est fatigant et… donc il avait… pffttt… il avait une forme de lassitude vis-à-vis du cinéma. Il m’a dit : “Mais j’ai lu le scénario, c’est un beau personnage. Et puis j’adore votre film Ridicule”, m’a-t-il dit. Ça m’a fait plaisir. “Et donc je vais faire votre film”. Et c’était aussi simple que ça. Pour Richard Madden, pour lui en revanche, on a fait des essais avec plusieurs comédiens. Et je vais vous raconter un truc, qui est quand même inouï, par rapport à des jeunes comédiens qui font des essais. On a fait des essais avec quatre comédiens différents, que j’avais sélectionnés sur casting, vidéos etc. Susie Figgis m’en avait proposé, m’en avait présenté via une bande-vidéo, m’en avait présenté… une dizaine, je crois. À part un ou deux qui étaient sans aucun intérêt pour mon goût, les autres étaient tous assez intéressants mais surtout quatre d’entre eux. Et avec les quatre d’entre eux, avec les quatre en question, j’ai fait avec eux, et avec Rebecca Hall qui s’est prêtée au jeu très joliment évidemment, ce qui était important pour les voir ensemble, pour qu’elle sente son partenaire éventuel. J’ai fait des essais, filmés, avec deux scènes importantes du film. J’ai pas écrit des scènes exprès, c’était deux scènes importantes du film. Et les deux scènes, mises bout à bout, ça faisait… huit ou dix pages de texte. Dix pages de texte. Les comédiens en question sont arrivés, alors qu’ils n’avaient aucune certitude d’emporter le morceau, enfin d’être choisis, ils sont tous arrivés et je leur ai dit… “Vous voulez le texte ?”. “Non, non”. Le texte était au rasoir, ils avaient, ils avaient ingurgité dix pages, j’ai jamais vu aucun comédien français se prêter à ce jeu d’une manière aussi magnifique, aussi généreuse. Et non seulement, un comédien n’est pas bon parce qu’il connaît le texte par cœur, mais c’est déjà énorme et pas si fréquent, mais non seulement ils connaissaient le texte au rasoir mais ils avaient déjà l’intelligence du personnage, du rôle, de la scène, des enjeux émotionnels, c’était déjà presque le film. Et c’était magnifique à voir, et j’ai été très embarrassé parce que les quatre étaient très bons mais… en parlant avec Rebecca, avec Susie Figgis, en revoyant les choses, on s’est dit : “Non, franchement, c’est Richard Madden le mieux.” Et, et… c’est pour ça que ça a été lui. À la fin du tournage, après avoir, c’était avant la fin du tournage, mais , Alan Rickman, avait terminé quelques jours avant la fin, donc il avait organisé une petite fête comme ça se fait pour… pour dire “Je rentre à Londres, merci pour ce tournage, les gars”, enfin bon, voilà, ça se fait toujours dans le cinéma. Et de temps en temps, il m’arrive pendant une minute par jour de me la péter, voilà c’est la minute qui vient. Et, après, j’arrête… Entre deux coupes de champagne et deux verres de vin, il m’a, il m’a pris dans ses bras, et c’est, c’est un homme d’une stature importante, il m’a serré fort dans ses bras, je ne pouvais plus respirer, et il m’a dit : “Je te remercie, Patrice, parce que tu m’as redonné le goût du cinéma”. Ben mon vieux, y’a la Légion d’honneur et y’a ça. Mais j’ai pas la Légion d’honneur mais j’ai ça.
  • Danièle Heymann
    Alors diriger dans une langue qui est pas la vôtre, avec une autre musique, est-ce que ça change la façon de diriger, de donner des indications, d’avoir cette musique de justesse dans l’oreille ?
  • Patrice Leconte
    Quand j’avais fait ce film qui s’appelait Une chance sur deux, il y avait des acteurs qui étaient des Russes. Qui parlaient en russe, le film est sous-titré dans ces moments-là, il y avait une interprète parce que, alors là, le Russe, je sais pas du tout, et l’interprète, quand je disais : “Faudrait qu’il s’éloigne plus loin vers la porte.” Alors elle lui disait : “[Imitation borborygmes langue russe.]” Pour qu'il s'éloigne plus loin vers la... Mais, donc on communiquait avec l’interprète mais, je m’étais rendu compte sur ce film, que, les acteurs russes qui jouaient en russe, et qui disaient des choses que je comprenais puisque je les avais écrites en français donc je savais ce qu’ils disaient, mais je sentais… c’est évident, je sentais, simplement avec la musique, si c’était bien joué ou pas, si c’était dans la sincérité, dans la vérité. La musique des mots, même si c’est une langue que vous connaissez pas… Enfin, ça ne me posait pas de problème dans une langue que je ne connaissais pas du tout. À plus forte raison en anglais, avec ces dialogues que j’avais écrits avec Jérôme Tonnerre, dans une langue que je comprends… La justesse du jeu, l’intelligence, les indications qu’on peut donner “Un peu plus ceci, moins cela”, c’est, c’est en fait assez peu de choses parce que… enfin ça m’a pas échappé… du tout, à aucun moment je me suis senti largué parce que je maîtrisais pas totalement cette langue ou parce que j’avais eu du mal à leur indiquer “plus ceci, moins cela”… La sensibilité, les émotions, quelle que soit la langue, c’est quand même la même chose, y’a certains, certaines populations qui sont un peu plus martiennes par rapport à notre sensibilité, je pense que je pourrais pas vous raconter ce que je vous raconte si, si je faisais un film avec des Japonais par exemple, y’a quelque chose de forcément un peu différent dans le phrasé, dans la musique, dans… la sensibilité est pas la même, enfin bon, mais, quand on reste dans un pays européen, avec une sensibilité commune, des personnages bien écrits, bien dessinés, qu’est-ce que vous voulez qu’il vous arrive de grave, et à aucun moment ces acteurs-là n’ont, n’ont fait… euh… fausse route ou… Richard Madden était, était le, le… le plus coriace, je parle de, non, non, pas de, pas de notre entente amicale mais le plus coriace parce qu’il est Écossais, alors là, c’est affreux. C’est… l’accent écossais, ça devrait être interdit je trouve… Le premier assistant du film, Eliot Matthews était un type formidable, était un Anglo-Saxon, mais qui vit en France donc il parle aussi bien français, enfin anglais, normal, c’est sa langue maternelle, et moi ça m’arrangeait bien parce que c’était ma bouée de sauvetage, quand j’étais largué je pouvais dire : “Elliot pardon, je comprends p…, viens nous aider”. Et de temps en temps, Richard Madden, il, il me demandait un truc, un renseignement, un détail, une indication, et je comprenais que dalle. Je lui dis : “Richard, je t’en supplie, parle plus lentement, ton accent est épouvantable, c’est quoi, ce truc ?” Alors, il répétait et je lui disais : “Bouge pas. Elliot ? S'il te plait tu peux venir, aide-moi, je comprends rien de ce qu’il me dit, Richard”. Elliot arrivait, il est Anglais de Londres, Richard recommençait et Elliot me disait : “J’ai pas compris, non plus”. Mais… Irlandais, c’est déjà balèse, mais Écossais, c’est… c’est une catastrophe, l’accent écossais.
  • Danièle Heymann
    Alors l’histoire d' Une promesse, c’est une passion refrénée et qui ne dit pas son nom, il y a un jeune homme désargenté qui rentre chez des gens plus argentés, le patron qui est un peu malade, le prend sous son aile, et il y a une passion qui naît entre l’épouse et ce jeune homme, qui ne dit absolument pas son nom, et puis la guerre arrive, ils sont séparés, ils reviennent, et est-ce qu’une passion peut survivre et s’épanouir avec le temps ? Donc y’a plein de choses qui sont déjà dans votre cinéma, le, le… les sentiments refrénés, le temps qui passe, etc. Donc comment ça s’est acclimaté au cinéma de Patrice Leconte tout ça?
  • Patrice Leconte
    Y’a eu… J’ai eu un… J’ai eu un sentiment très, très étrange quand j’ai fait ce film… j’avais conscience de faire un film qui racontait beaucoup de choses, beaucoup d’éléments émotionnels forts qui me touchent beaucoup, mais surtout ce qui me, ce qui me touchait le plus c’était… cette question que pose Zweig, c’est non pas : “Est-ce que l’amour résiste au temps ?” Mais : “Est-ce que le désir amoureux résiste au temps ?” Parce que quand ils finissent par s’avouer l’un l’autre leur passion, ils ne la consomment pas : “Non, non, non, je… quand tu rentreras de ton voyage au Mexique, je t’appartiendrai”. Bon, le voyage au Mexique il devait durer deux ans dure six ans à cause la guerre, bref, et donc quand il revient six ans plus tard, est-ce qu’ils ont encore tout simplement envie l’un de l’autre ? Et à ce sujet, Zweig, la réponse de Zweig est… est très pessimiste, enfin très désenchantée, Zweig n’était pas un rigolo, moi non plus, d’ailleurs mais, mais au moins j’ai, j’ai voulu que l’extrême fin, j’ai trahi Zweig sur les dix dernières secondes du film parce que y’a, y’a un petit bout de ciel bleu, y’a un espoir, on ne sait pas trop où ils vont mais il y a peut-être un, un avenir sentimental pour ce couple-là. Bref. Mais pour revenir à votre question précise, je ne m’en suis pas rendu compte en écrivant l’adaptation avec Jérôme Tonnerre, je ne m’en suis pas trop rendu compte pendant le début du film, du tournage du film, et en cours du film, en cours du film, je… j’ai eu le, le, le… l’impression confuse que ce film était une espèce de best-of. C’est-à-dire que des tas de choses, de sentiments, de… et pas que les sentiments d’amour refrénés, c’est pas que ça… mais que plein de choses qui, qui, qui m’avaient guidé dans des films précédents se retrouvaient dans ce film-là. Alors… Best-of, Patrice Leconte le Remix, non, c’est pas ça mais il, il y avait… y’a, y’a pas d’électrophone ! Ah ça, ça c’est un peu décevant je suis d’accord, il y a pas d’électrophone ! Mais… sur… sur les sentiments, sur le, sur les gens qui regardent les gens, sur ces choses qu’on ne dit pas mais qu’on ressent, les non-dits donc… le, le goût de la lumière, les… beaucoup, beaucoup de choses se sont retrouvées là et c’est pour ça, que, là, j’ai arrêté de le dire mais quand je tournais Une promesse, je me disais : “Ben, ça, ça peut être le dernier parce que franchement c’est…” Non pas une somme, j’ai pas cette prétention mais c’était une… quelque chose de satisfaisant, d’épanouissant, de faire ce film. Puis bon j’ai continué à faire des films.
  • (Silence)