Yves Boisset [09:19:31]

L'histoire vraie d'une femme flic

  • Boisset Yves
    À la fin de la journée, après le tournage, on arrive, et il y avait personne dans l'hôtel, il y avait que nous, et on voit sur un banc de sable, une apparition tout à fait étrange, une fille en bikini blanc, allongée sur un banc de sable, devant l'hôtel. Bon... alors, on passe avec la pirogue, de l'autre côté, on lui fait comme ça [geste de la main droite], elle fait comme ça [geste de la main gauche] et puis on vient à l'hôtel. Et je lui dis : "Qui c'est, la fille qui est sur le banc de sable ?". Il dit : "Elle m'est envoyée par des amis, c'est des, c'est des... flics qui me l'ont envoyée parce qu'elle faisait une dépression nerveuse et elle est venue se retaper ici, là au moins elle est au calme". Il dit : "Écoute, si ça ne vous ennuie pas...". On était une quinzaine, entre les acteurs, les techniciens, "Si ça vous ennuie pas, ce sera plus sympa qu'elle dîne avec vous plutôt que de dîner toute seule". Je dis : "Ouais, bien sûr, en plus elle est très jolie". Vraiment très bien, bien foutue...
  • (Silence)
  • Boisset Yves
    Donc je vais lui proposer, je lui dis : "Si vous voulez, venez dîner avec nous". Elle me dit : "Mais, ça ne vous gêne pas de dîner avec des flics ?". Je dis : "Non, pourquoi ?". Elle dit : "Parce que je suis flic, moi ou J'ÉTAIS flic". Assez désagréable. Je lui dis : "Écoutez, vous faites comme vous voulez, mais moi, ça me dérange pas, maintenant, si vous, ça vous dérange pas de dîner avec des cinéastes, il y a pas de problème". Mais bon, elle est extrêmement fermée, on voyait qu'elle avait des problèmes. Puis je sympathise avec elle, on parle très longuement et elle me raconte qu'elle était flic, qu'elle avait été virée de la police ou qu'elle avait été obligée de démissionner parce qu'elle avait enquêté sur une affaire de pédophilie, dans le Nord de la France, et qui avait débouché sur la mise en cause de gens très proches de la mairie de Lille et elle me raconte tout ça. Et puis on discute, on était un peu vers la fin du tournage, donc je ne l'ai vue que quatre, cinq jours, puis on a échangé nos coordonnées. Je l'ai revue en France et l'idée a commencé à me travailler et c'est devenu La Femme Flic. C'est l'histoire de cette fille qui a vraiment existé, et c'est une histoire complètement vraie, c'est vraiment un flic idéaliste, à l'époque où il y avait peu de femmes inspecteurs de police. D'ailleurs c'est moi qui ai trouvé le terme, la femme flic, c'est pas un terme courant à l'époque. C'est un peu comme Dupont Lajoie, maintenant c'est devenu pratiquement un mot du langage populaire. Un "Dupont Lajoie", alors que le mot existait pas, c'est à partir du titre du film. Et "la femme flic", aujourd'hui c'est un truc, on dit une femme flic... mais personne n'avait jamais employé ce terme de "femme flic". Et donc j'ai revu cette fille, Éliane. Et elle m'a raconté toute son histoire. Elle avait enquêté, elle était inspecteur, elle était officier de police judiciaire et elle avait été amenée à enquêter sur un réseau de prostitution enfantine et comme ce réseau de prostitution enfantine touchait, au moins par sa clientèle, des notables, des gens importants, on lui a dit de se calmer. L'enquête n'a pas pu se rapprocher autant que les flics l'auraient souhaité de la municipalité de Lille de l'époque et on lui a dit que non seulement il fallait qu'elle se calme, mais elle a été virée de la police. Elle l'a ressenti comme une injustice effroyable et c'est son histoire que j'ai racontée dans La Femme Flic.