D'Oran à Paris
- Catherine BernsteinAndré Bénichou, pouvez-vous nous parler de votre famille?
- André BénichouJe vais vous parler de ma famille. Nous étions mon père, ma mère, mes six soeurs et mon frère, heureux d'être à Paris. Mes parents ont décidé de venir d'Algérie - car je suis né en Algérie, toute la famille, sauf les derniers qui sont nés à Paris - ont décidé de venir à Paris en 1937. Pourquoi ? Parce que mon père n'avait certainement pas assez de travail à Oran. Je suis natif de Saïda, à côté d'Oran. Et ils ont décidé de venir en 1937. Toute ma famille. Et ils sont venus directement à Paris. Donc, j'étais avec eux. J'avais trois ans et demi, quand nous sommes venus, en 37. Et nous avons habité la Porte de Vincennes. Pourquoi ai-je choisi d'habiter, avec mon épouse, la Porte de Vincennes ? Le lien était tout tracé. Et j'y habite encore, à la Porte de Vincennes. Voilà. C'est un démarrage dans la métropole, alors que nous étions nés en Algérie. Mon père voulait venir à Paris pour travailler. Il avait une famille nombreuse, donc, il cherchait du travail, et il a pensé qu'à Paris... Et c'est vrai, il a trouvé immédiatement du travail. Il travaillait à la Bastille, chez un grand coiffeur. C'est une banque, maintenant. A la Bastille, presque sur la place, au début de la rue Saint-Antoine.
- Catherine BernsteinIl était coiffeur.
- André BénichouIl était coiffeur, oui, il travaillait là.
- Catherine BernsteinEt vous vous rappelez de cet appartement, Porte de Vincennes?
- André BénichouOui. Alors, je vous explique mon cas concernant la mémoire. Aujourd'hui, je fais un devoir de mémoire, et j'aimerais vous citer les faits précis qui me sont restés. Les psychiatres m'ont expliqué que, étant traumatisé à vie par le choc que j'ai dû subir, des faits précis me sont restés. Et d'autres sont partis définitivement. Je me souviens, évidemment, de la HLM où nous habitions, qui existe encore, puisque je passe devant régulièrement - j'habite à la Porte de Vincennes. Je me souviens très bien, mais de l'appartement, non. Je me souviens de mon père, de ma mère, de ceux qui étaient nés dans cet appartement... qui vivaient dans cet appartement, qui sont nés en Algérie, comme moi, et qui sont venus. Et d'autres sont nés à Paris. Je m'en souviens, oui. Mais précisément, non.
- Catherine BernsteinVous pouvez me dire les noms de vos frères et soeurs?
- André BénichouAbsolument. Alors, mon père s'appelle Menahem Bénichou, ma mère, c'est Zary - Touizer, de naissance. L'aînée de la famille de la famille, des enfants, s'appelait Simone. Une très jolie fille, qui est devenue jeune fille. Et par elle, tout a débuté - mais on y viendra. Il y avait Simone, Lucienne, Juliette, André, le quatrième, Jeannine, Claude et Colette. Et Yvette, la dernière, est née à la Porte de Vanves. Nous avions changé d'HLM et nous habitions à la porte de Vanves, quand il y a eu le cataclysme dont nous allons parler.
- Catherine BernsteinClaude et Colette, c'étaient des jumelles...
- André BénichouC'était deux jumeaux, Claude et Colette, oui. Je suis le quatrième des enfants.