Paul Ricoeur [06:04:29]

Les promesses non tenues du passé

  • Francesco Condemi
    Est-ce qu'en quelque sorte, on ne peut pas dire aussi que on ne peut écrire l'histoire que quand les promesses du passé, comme la période... sont définitivement épuisées. Est-ce que justement le... la... la difficulté d'écrire une histoire récente ne... n'est pas donnée du fait... du fait que la promesse du communisme, par exemple, reste encore très présente ?
  • Paul Ricoeur
    Oui, mais je... je reviens justement aux propos de Raymond Aron que j'évoquais tout à l'heure, à l'idée d'incertitude, la situation d'incertitude, à laquelle il faudrait revenir, que les gens ne savaient pas ce qu'y avait après, donc qu'ils puissent hésiter. Maintenant on sait ce qui est arrivé après, et donc les choix peuvent apparaître comme des mauvais choix. J'en parlais des miens en particulier tout à l'heure. Mais aussi il y avait des attentes. C'est-à-dire dans le passé, il y avait les attentes sur le futur, c'est-à-dire que le passé n'est pas seulement fait de passé, mais aussi d'un futur du passé. Et alors beaucoup de ces attentes peuvent être reprises. Moi je pense par exemple... alors j'essaie de sauver quelque chose de mon pacifisme d'avant-guerre, je veux dire que dans la période de... des menaces de la guerre nucléaire, il y a peut-être quelque chose à reprendre de... de certaines attentes sur la sécurité internationale. Je pense à des personnages historiques qui ont été balayés après par... par l'arrivée de l'hitlérisme, des personnages comme Briand, comme... comme Stresemann, qui ont été des grands hommes d'État, qui ont joué la carte de... de la Société des Nations. Bon, la Société des Nations a été engloutie par la guerre, mais nous reconstruisions... nous reconstruisons l'ONU. Bon. Alors ça veut dire qu'aussi des... des promesses non tenues, puisque c'est une expression à laquelle je tiens beaucoup, du passé, donc le futur du passé peut aussi devenir notre propre futur.