Patrice Leconte [07:47:56]

Le cinéaste intrépide

  • Danièle Heymann
    On a l’impression que vous êtes toujours dans la même disposition de bienveillance et d’optimisme quand vous entamez un film quel qu’il soit, et quel qu’en soit le résultat, est-ce que, au fil des années et des films, puisque vous en avez quand même fait trente, y’a des choses qui se sont ajoutées à votre façon de mettre en scène, c’est quoi la mise en scène pour Patrice Leconte ?
  • Patrice Leconte
    Je n’ai pas appris grand-chose en fait, j’essaie de faire mes films le mieux du monde possible par rapport à mes exigences à moi, par rapport à ce qu’il me trotte en tête… Mais je me méfie d’un truc terrible, c’est, c’est… c’est d’aborder quoi que ce soit et de dire : “Ça, je sais faire. J’ai déjà fait, je sais faire, pas de problème”. Quand on dit ça, on a toutes les chances de se prendre les pieds dans le tapis. Donc je… je ne me mets pas en danger du tout, j’aime pas cette expression d’ailleurs, mais je, j’essaie d’être vigilant pour jamais ronronner, jamais… jamais aborder quoi que ce soit en me disant : “Je connais, pas de problème. Vous savez la fameuse notion du métier qui rentre. Et… et le métier qui rentre, je crois qu’il rentre d’une manière très illusoire quoi, très virtuelle, la meilleure preuve c’est que régulièrement sur des films comme je vous ai raconté, je termine la journée de tournage et je me suis planté et il faut la refaire donc le métier qui rentre… j’y crois pas trop.
  • (Silence)
  • Danièle Heymann
    Dans un article que j’avais écrit sur vous, j’avais qualifié votre éclectisme d’“intrépide”. C’est vrai que vous avez abordé tellement de genres, je voudrais savoir si c’était simplement les circonstances, la vie qui a fait que le sujet vous arrivait, ou si c’est une volonté ?
  • Patrice Leconte
    À partir du moment où j’ai fait Les Spécialistes et où je me suis dit : “Ah bon, donc je ne suis pas condamné, enfin je ne suis pas obligé de faire des comédies toute ma vie”, j’ai… j’ai aimé prendre des tangentes, des libertés, faire le grand écart, et c’est vrai, je reconnais volontiers que… de penser que Ridicule et Les Bronzés, que Une Promesse et je sais pas quoi, enfin bon c’est fait par le même réalisateur, c’est, c’est incohérent. Mais j’assume cette incohérence-là… Pardon. On m’a dit souvent, enfin on dit souvent, que les grands cinéastes, les grands créateurs d’une manière générale, sont des gens qui creusent toute leur vie le même sillon. Je m’en fous, je ne serai pas un grand cinéaste parce que moi j’ai creusé plein de sillons, j’ai un champ complet, avec des sillons parallèles, parfois qui bifurquent.
  • (Musique)