Yves Boisset [09:19:31]

Diriger, c'est mettre une atmosphère

  • Boisset Yves
    D'abord, vraiment, je crois, enfin, ça serait plutôt à eux de le dire, mais j'aime vraiment les acteurs moi, en général, sauf une exception notable, je me suis entendu très bien, vraiment parfois mieux que bien, avec la plupart des acteurs avec lesquels j'ai travaillé, qu'ils soient connus ou qu'ils débutent, et... Moi, ce que j'essaye surtout, c'est de les familiariser avec un personnage, de leur donner à comprendre un personnage, souvent en parlant d'autre chose d'ailleurs. Pas nécessairement en parlant que du scénario ou que du personnage, mais à les mettre dans une certaine ambiance, à les faire s'approcher du personnage. En aucun cas de les diriger, jamais par exemple l'idée ne me viendrait de montrer à un acteur ou d'indiquer à un acteur comment il doit jouer ou comment il doit prononcer une réplique. C'est plutôt... le mettre dans une ambiance, dans un certain mood (état d'esprit). C'est l'histoire que racontait tout le temps, d'ailleurs, Carmet, de la scène du viol de Dupont, où pour lui la clef c'est qu'il était bien embêté parce que cette scène le dérangeait énormément, il ne voulait pas la tourner. Et c'est d'ailleurs Isabelle qui a tout fait, qui a joué la scène toute seule, Carnet était à peu près comme ça. Et tout d'un coup, Carmet me dit : "Ouais, mais je fais quoi ?". Et je lui dis, tout d'un coup y a une idée qui me vient, qui était parfaitement sotte et grenue, c'est que, je lui dis : "Ben tu vois, y a des petits poissons au bord de l'eau et qui font gloup, gloup, gloup !". Et ça, ça a enthousiasmé Carmet, et il le raconte souvent, il l'a raconté au moins dix fois, y compris dans les interviews, les trucs, il dit : "Moi, la clef de la scène du viol de Dupont Lajoie c'est quand Boisset m'a dit gloup, gloup, gloup !". Ça peut paraître un peu abstrait à quelques années de distance. Mais il y a pas de règle. Par contre ce dont je suis sûr, moi j'ai jamais indiqué à un acteur comment dire une phrase, par exemple ça je crois que c'est une catastrophe, c'est d'amener l'acteur à être dans le climat de la scène. Et de la même manière, je pense qu'il faut jamais dire à un acteur qui joue un méchant : "Faut qu'il ait l'air méchant", parce qu'un méchant, il n'est jamais méchant tout le temps, il est... c'est beaucoup plus terrible d'ailleurs un acteur qui joue un affreux personnage s'il est au contraire absolument charmant. On va bien voir qu'il fait quelque chose d'abominable. Et par exemple les gens qui avaient été torturés par Barbie, enfin j'en ai rencontré trois ou quatre, ont tous raconté que Barbie était, en général - en général - d'une courtoisie parfaite. Mais c'est beaucoup plus terrifiant. Et l'acteur allemand qui jouait Barbie était venu avec une idée préconçue et je lui ai dit : "Non, honnêtement, je ne crois pas qu'il faut le faire comme ça, il faut être au contraire extrêmement respectueux, poli, courtois, parler lentement". Et effectivement, tout d'un coup, alors qu'il avait commencé à être méchant, bêtement, tout d'un coup tout le monde sur le plateau avait les jetons quand il parlait lentement et très courtoisement. Et je pense que de la même manière, c'est beaucoup plus intéressant quand un personnage est super gentil, s'il est bourru. Ça donne une charge plus intéressante, donc moi ma direction d'acteurs - si tant est qu' y en ait une - c'est plus dans la mise en condition et c'est souvent en discutant avant, c'est... oui c'est... de mettre une atmosphère.