Marcel Goldberg [03:13:35]

Le centre Lamarck

  • Marcel Goldberg
    Alors, on est restés à l'orphelinat Rothschild jusqu'à... je crois savoir la date, c'était le 19 février 1943 où, je ne sais pas exactement pourquoi, on a dispersé les gosses, les garçons allaient au centre Lamarck, les filles, au centre Guy Patin et les plus grandes, rue Vauquelin.
  • Jean-Baptiste Péretié
    C'étaient toujours des centres de l'UGIF.
  • Marcel Goldberg
    C'est ça. Des centres de l'UGIF. Mais, rue Vauquelin avait eu comme vocation, c'était l'école rabbinique mais donc qui, sans doute, fonctionnait pas. Bon, enfin. Je sais pas.
  • Jean-Baptiste Péretié
    Et, au centre Lamarck, vous alliez toujours à l'école ?
  • Marcel Goldberg
    Alors, j'allais à l'école. C'était un des très bons souvenirs, j'ose pas dire un bon souvenir de la guerre ! Mais, sans doute, mon meilleur souvenir scolaire. J'allais à l'école. C'était une école juive, avenue Secrétan. Alors, ça a pas duré longtemps puisque j'ai quitté le 10 avril. Mais, et je crois que c'était déjà les vacances de Pâques... Et, bon. Alors, c'était bien parce qu'on faisait le voyage en métro. Et, c'était le métro aérien. Donc, c'était vraiment une très, très grande distraction. Voyez, le centre Lamarck mais je sais pas, mais c'est l'une des plus belles situations de Paris, tout en haut de la butte Montmartre. Donc, on dévalait les escaliers-là pour aller prendre le métro ou alors, ça dépend, des fois, on allait à Anvers, des fois, on allait à Barbès. Et, on prenait le métro aérien jusqu'à Jaurès. Ensuite, on prenait donc l'avenue Secrétan. Et... on mangeait à la cantine.
  • Jean-Baptiste Péretié
    Vous montiez dans le dernier wagon du métro ?
  • Marcel Goldberg
    Oui, oui. On montait... Alors, là aussi, c'était pas une énorme affaire, si vous voulez de... enfin, du moins pour moi. Je sais pas. Y a d'autres qui ont pu ressentir... hein... si vous voulez.... Mais, moi, c'était pas du tout une énorme affaire d'aller dans le dernier wagon. Et, bon. Et, donc...
  • Jean-Baptiste Péretié
    A ce moment-là, vous portiez toujours votre étoile ?
  • Marcel Goldberg
    Oui, oui. On portait l'étoile. Donc, on traversait par le square Saint-Pierre. Je me souviens qu'une fois, un samedi, une dame qui était employée, une vieille dame. Enfin, vieille... Ce que j'appelais « vieux » à l'époque, vous savez, ça peut être très jeune, une dame, qui était employée et qui était... qui avait été maltraitée par disons un monsieur, je crois qu'on l'appelait surveillant général là-bas... m'avait promené avec un autre gosse. Et, on avait traversé le square, pas vraiment le square. Mais, vous savez, juste en dessous les marches voyez. Et, c'était la première fois que... Excusez-moi je suis obligé de.... d'aller par là, quoi. Donc, sinon, à part aller à l'école, le samedi, les gosses allaient à la synagogue qui se trouvait, justement, chez les filles rue Guy Patin. Et en fait, je n'y suis jamais allé. C'est que je passais tous mes samedis à aller chez le dentiste qui se trouvait au même endroit quoi. J'y ai passé donc beaucoup de mois. On voulait me mettre un appareil, j'avais une dent qui avançait et l'autre qui reculait. Les deux incisives. Et, donc, bon on m'arrachait les dents qui tombaient, les dents de lait. Et puis je sais pas quoi, on prenait des mesures pour un appareil. Enfin, pratiquement toujours, j'allais chez le dentiste le samedi. Et, finalement, mes dents sont revenues en ordre sans appareil quoi.
  • Jean-Baptiste Péretié
    Ensuite, vous avez été placé dans une famille, je crois...
  • Marcel Goldberg
    C'est ça. Je vais vous raconter une sortie parce qu'elle est... j'ai trouvé des traces disons de cette sortie. Un jour, un monsieur est venu me prendre le samedi, rue Lamarck, et en chemin, il m'a dit : « Tu vois, moi je suis un bon "aryen" ». J'ai pas très bien compris ce qu'il voulait me dire bien que j'aie cru qu'y avait une allusion amusante parce que je savais que ce que cela voulait dire « "aryen "». Mais enfin, bon j'étais... et disons que ça ne m'avait pas trop tracassé. Il voulait me dire que c'était un monsieur aryen qui était bon, d'accord. Effectivement, il m'amenait dans un restaurant rue Sedaine et où j'ai retrouvé plein d'autres gosses et le rideau de fer a été baissé, et on nous a servis un repas absolument pas très catholique. A l'époque, j'avais fait la comptabilité du nombre de hors-d'oeuvre et de repas, etc. Et ensuite, on nous a projeté des films, des petits films de Laurel et Hardy. Alors, depuis j'ai su que ce restaurant s'appelait « chez Albert » quoi. D'accord, et c'était un monsieur, un Juif-là qui ouvrait son restaurant au moins le dimanche, pour des gosses.