Hélène Duc [02:41:27]

Patrice Aristide Blank Satinover

  • Hélène Duc
    qui était celui dont je vous avais parlé qu'on appelait Patrice, Patrick, Patrice, et dont le vrai nom était Patrice Aristide Blank Satinover. Nous avons su ce nom bien après, pour le moment on l'appelait Patrice.
  • Catherine Bernstein
    Vous vous rappelez comment il est arrivé chez vous ?
  • Hélène Duc
    Ah oui et ca c'est pas joli...c'est pas joli...c'est pas joli, c'est pas joli de sa part à lui. Figurez-vous que j'avais un très bon ami de Nancy voilà un ami des autres, un ami des gens de droite qui s'appellait Jean-François Noël. Jean-François Noël écrivait des pièces merveilleuses dont "Mon royaume est sur la terre", "Princes de sang" et une troisième dans laquelle a débuté Suzanne Flon et dont le titre m'échappe. C'était l'homme à la botte, c'était l'écrivain à la mode Jean-François Noël : il était joué au théâtre des Champs-Elysées et il était très intelligent comme les frères Seigle, comme... Il était nancéen lui aussi, mais lui il n'était pas de droite comme les autres. Il était vraiment l'intellectuel anonyme, bon. Alors lui un jour me dit : "Ecoute j'ai un grand ami et il faut absolument que tu lui trouves une place dans la pension" parce qu'on savait que j'avais amené beaucoup d'amis qui étaient indésirables ailleurs. Et il me dit : "Il s'appelle Patrice...Patrice on savait quand même Aristide, non on savait Satinover peut être, ça nous disait rien. Il nous dit : "C'est le fils d'un des rois du pétrole, les pétroles de Bakou, Bakou, Bakou et... Mais c'est surtout le petit fils de Lénine"...Petit fils de Lénine ? Alors nous naturellement nous voilà comme des fous, on va avoir le petit fils de Lénine, c'est extraordinaire, bon. Et en effet, alors on vide Juliette Gréco...qui était dans une chambre, qui était là...Sa mère avait été arrêtée, donc sa mère avait dit : "Si jamais on m'arrête, envoyez là chez Hélène Duc". On vide Juliette, on la met dans le grenier, sur un matelas rue Servandoni, au 20 rue Servandoni, Lavygne et moi on avait dans ce même grenier une petite chambre, à part, et puis on met Aristide Blank dans la chambre de Gréco qui elle était la seule qui payait, parce que notaire de Bordeaux m'envoyait le chèque tous les mois et là scrupuleusement je payais madame Morin Pilière, mais pour ce qui est de nous on était très souvent en retard pour les paiements. Notez que Lavygne a compensé en donnant à la fin des estampes japonaises admirables qu'il avait du coté de son père parce qu'on a piqué à cette famille un Van Gogh, deux Renoir etc etc... ils étaient très riches vous savez les [INCOMPRIS]. Le grand-père de Lavygne avait inventé la Nivéa c'est vous dire, c'est vous dire, bon, mais à l'époque naturellement pas un rond ce qu'on avait...en faisant la manche... pratiquement, bien...Alors je reviens à la chose pas bien qu'il a faite. J'espère que sa femme ne va pas entendre mais enfin bon. Donc voilà Jean-François Noël nous recommande ce Patrice et voilà qu'on loge Patrice qui avait reçu une machine typo sur les pieds, qui avait une poupée comme ça, donc tout pour se faire repèrer. Il y avait de la neige, un hiver froid, tout...bon. Pour nous dire merci, il ne l'a pas fait, jamais mais pour nous ça fait rien ...Après sa femme a tout... lui aussi, lui-même, il m'a envoyé un éditeur : c'est tout ce qu'il a fait pour moi qui était une de ses filleules, non, il n'a pas été élégant . Mais ce qu'il a fait de pire et ça c'est vraiment très, très, très mal, c'est que quand Jean-François Noël lui n'a plus eu de succès avec ses pièces, il a été dans la misère, il est mort - les frères Seigle l'ont aidé, ces gens de Nancy - il est mort vraiment dans une... on a supplié...moi, j'ai dis à ...comment il s'appelait...Patrice, je cherche son nom, Patrice, oui, lui s'appelait Aristide Blank Satinover et Patrice était son nom de résistance. Je lui dis enfin : "Mais pourquoi vous ne faites rien ?". Oh mais j'ai peur qu'il ait eu envie de se...Qu'il ait eu peur de se compromettre.
  • Catherine Bernstein
    Et donc, quel était...vous dites, Patrice était résistant ?
  • Hélène Duc
    Oui , oui, sans aucun doute, enfin... Sans aucun doute, il était sûrement résistant, il est dans tous les livres mais quand il racontait comment...Alors le fils de Lénine, je lui ai demandé, je lui ai dit : "Pourquoi vous vous faisiez passer pour le fils de Lénine ?", bien après, bien après... Parce que après il a été longtemps avec une dame, d'abord il a épousé une Rothschild, pas pauvre non plus. Lui c'était toujours les pétroles, enfin ce que je vous avais dit, le pétrole de Bakou. Et il habite un appartement splendide avenue Victor Hugo, moi je n'aime pas ce quartier mais c'était tellement beau, un appartement en rotonde tout à fait au bout de l'avenue...
  • Catherine Bernstein
    Hélène, il faudrait qu'on reste à l'époque parce que sinon on va se perdre. Donc quand il était chez vous, c'est lui qui faisait venir par exemple venir des parachutés de Londres...Patrice ?
  • Hélène Duc
    Oui, oui c'est vrai c'est lui.
  • Catherine Bernstein
    Je crois qu'il était aussi membre actif du MUR, du mouvement de libération nationale ?
  • Hélène Duc
    Oui, oui mais c'est transcrit, le MUR, c'est pas le MUR, je dis le MUR et c'est pas le MUR, c'est pour ça que je ne vous l'ai pas redit. Le Mouvement Uni de Résistance c'était le MUR c'était Sud et justement lui il m'a dit que "C'est une erreur, moi, c'était Nord. J'étais secrétaire général du mouvement Nord". Il racontait, ça aussi c'est intéressant pour vous, pour ce qui nous occupe. Quand je lui disais : "Mais pourquoi...comment êtes-vous rentré dans la résistance?". Il me répondait : "Par hasard, parce que je suis joueur", c'est un peu, si vous voulez, c'est l'autre côté de Ludow ; Ludow était quelqu'un qui vous disait les choses comme ça... Aristide...Patrice...il disait : "parce que j'ai eu beaucoup de chance, j'aime la mer, j'étais sur un bateau, un tout petit bateau à Deauville, c'était toujours dans ces eaux là, et alors il y a eu une tempête épouvantable, et j'ai dit, si je m'en sors, je rentrerais dans la résistance". Alors moi je me suis permis de lui dire : "C'est quand même un drôle de choix dans des drôles de circonstances". Il m'a dit... Non, mais après je suis devenue tout à fait convaincue, bien sûr. Il était juif.
  • Catherine Bernstein
    Et c'était réellement le petit-fils de Lénine ?
  • Hélène Duc
    Pas du tout. Alors je lui ai dit : "Pourquoi vous avez fait croire ça ?". Ah... Mais ça c'était une blague qu'avait faite un de mes amis ; il nous disait des noms, toujours des noms, des noms qu'on connaissait pas, et qui avait fait croire que j'étais le petit-fils de Lénine. Bien sûr que non. C'est là qu'il finissait par avouer : "Pas du tout puisque que mon père est roumain et que je suis roumain". Il habitait trois rue de la Ferme mais vous savez ils sont encore parfaitement... ; sa femme habite maintenant là où on l'a enterré, près d'Angoulême enfin je peux trouver quand je veux ses traces mais je ne m'y risquerai pas...je ne m'y risquerai pas.