André Bénichou [02:09:11]

Musique en mémoires

  • Catherine Bernstein
    Je crois savoir que vous avez composé des morceaux de musique...
  • André Bénichou
    Ah oui.
  • Catherine Bernstein
    En mémoire de...
  • André Bénichou
    Ah oui. Ah oui, ah oui, oui, oui. Pour chaque personne de ma famille j'ai imaginé... Et pour chaque circonstance du drame qui est arrivé, j'ai écrit des musiques pour la circonstance. C'est-à-dire que c'est bien, dans mon esprit, relatif, dans l'espace-temps, à ce qui s'est passé qu'il fallait traduire musicalement. J'ai écrit une musique pour ma soeur aînée Simone, avec laquelle tout a débuté avec son arrestation au Georges V. J'ai écrit pour Juliette. J'ai été... Je me souviens très bien de Juliette... J'ai écrit « Julia » qui est une pièce de guitare classique qui a été interprétée par Pedro Ibanez - le maître incontesté de la guitare classique, qui est mon maître de musique classique. Et l'accompagnement est fait... Harmoniquement parlant, j'ai remplacé les cordes qui n'existent pas avec les Choeurs de l'Armée rouge, et ce sont les voix qui remplacent les cordes. On a écrit de façon à ce que « Julia » soit interprété à la guitare classique et accompagné par les Choeurs de l'Armée rouge, qu'avec les voix, a capella. C'est très, très beau. Et pour le train de la mort, j'ai écrit une musique aussi, le train qui va vers Auschwitz. Pour la sélection, une musique complètement folle: les gens qui étaient là, ces pauvres gens qui descendaient du train, qu'on battait, il y avait des chiens policiers. Celui qui s'écartait était mordu à mort. J'ai écrit une musique complètement folle. C'est la sélection. La montée pour aller à Birkenau, vers la mort. Ils le sentaient qu'ils allaient mourir. La montée le long du bois de bouleau, ça se faisait en camion ou à pied. J'ai écrit aussi une musique. Et chaque musique est écrite dans un but bien précis. Et ça, ça me soulage. Je donne quelque chose aux êtres que j'ai aimés et qui sont morts affreusement, dans cet holocauste. Holocauste n'est pas le vrai terme. C'est la Shoah. Shoah, ça veut dire l'assassinat. Quand on emploie holocauste, c'est faire du mal. Moi je dis: c'est la shoah.