Jacques Lassalle [07:03:35]

Marivaux, Goldoni et Molière

  • Evelyne Ertel
    Venons-en au premier spectacle que vous avez monté à...
  • Jacques Lassalle
    Alors, tout naturellement, il y a eu trois - si je ne dis pas de bêtises - Il y a eu trois phases dans ces seize années de Vitry, de répertoire, et rien ne dit mieux, même, même si ce n'est pas explicite, rien ne dit mieux l'esprit d'une démarche que le répertoire que l'on revendique. Tout naturellement, au début, j'ai revendiqué le répertoire, le grand répertoire de Vilar et la pensée de derrière de Vilar qui était, d'ailleurs, celle de Malraux. Mettre au contact de ceux qui n'y ont pas accès, les plus grandes oeuvres du patrimoine, aussi bien en peinture qu'en musique qu'en littérature et bien sûr qu'au théâtre. Donc, j'ai repris, grosso modo... Et mon premier spectacle, et c'est pas par hasard, c'était La seconde surprise de l'amour dont la mise en scène c'était le début d'un grand, d'un grand, d'un grand compagnonnage. J'ai trois grands compagnonnages dans le théâtre classique, quand même, il y en a beaucoup d'autres mais enfin : c'est Marivaux, dix mises en scènes, c'est Goldoni, à peu près autant et c'est Molière. Alors Molière, je crois que je suis à dix-huit, même, de pièces différentes. Donc, tout naturellement, j'ai commencé par Marivaux. Marivaux que j'avais découvert dans sa dimension shakespearienne, enfin, j'avais découvert Marivaux à La Comédie française, un grand émoi devant les décolletés poudrés des marquises de Marivaux à la Comédie-Française. Le décolleté d'Hélène Perdrière m'avait mis dans un état... voilà ! C'était plus une expérience érotisée qu'une expérience artistique. Ensuite, le merveilleux Triomphe de l'amour suivi, d'ailleurs, de L'heureux stratagème, à Avignon. Et tout d'un coup, Marivaux, sorti du boudoir, sorti du salon, sorti de la préciosité intimiste, est devenu grand auteur shakespearien, enfin, ça avait été... Et puis, ensuite, alors La seconde surprise de Planchon, naturaliste, hyperréaliste, enfin, découpée par fragments, par... très cinématographique, d'ailleurs, voilà ! Donc, tout naturellement, ce Marivaux avec lequel j'avais eu trois rendez-vous très importants : une sorte de rendez-vous amoureux, pour commencer, un grand rendez-vous poétique et civique à Avignon et un grand rendez-vous de metteur... Que pouvait la mise en scène par rapport... Donc j'ai commencé par... Et là j'ai fait la rencontre d'un scénographe qui était en rupture du TEP, il avait travaillé vingt ans avec Rétoré, il était donc un peu en crise... Donc ce Bernard Guillaumot est quelqu'un qui s'était dit : la scénographie ne - comme décorateur de la scène, dans sa conception première de décorateur de la scène - ne me suffit pas, j'ai envie de passer à la scénographie au sens plein du terme, c'est-à-dire d'être celui qui, aux côtés d'un architecte, ou même, en devenant architecte moi-même, va concevoir la totalité du lieu théâtral. C'est une époque, là encore, en particulier dans les banlieues... on se dotait de théâtre qui jusque-là ne... et donc il y avait une espèce d'émulation et d'effervescence pour construire des théâtres qui quelquefois récusaient peut-être trop violemment le théâtre à l'italienne, la boîte scénique, mais en tout cas il y avait... c'était très...pendant quinze ans, il y a eu vraiment une très grande effervescence autour du lieu théâtral, de sa fonction, de son organisation et de son usage. Donc, Bernard Guillaumot était à ce moment de sa vie, où après quinze ans de décors de théâtre, il aspirait à devenir scénographe au sens beaucoup plus complet du terme. Et donc, on a investi pour Marivaux et ensuite pour la seconde pièce qui a été le Barouf à Chioggia de Goldoni, déjà, et qui sortait d'un spectacle mémorable de Strehler du Piccolo Théâtre. Voilà ça aussi c'est une de mes constantes. J'ai mis en scène beaucoup d'oeuvres inconnues ou peu connues, mais j'ai mis en scène aussi beaucoup d'oeuvres très, très connues, en particulier aux aficionad... enfin aux grands connaisseurs de théâtre, non pas pour reconstituer, non pas pour refaire des spectacles que j'avais tant admirés, mais pour les mettre à la question, c'est-à-dire paradoxalement pour trouver mon identité à l'intérieur même d'une allégeance et d'une admiration proclamée.
  • Evelyne Ertel
    Oui, parce que...
  • Jacques Lassalle
    Je l'ai fait toujours.
  • Evelyne Ertel
    On pourrait s'étonner que justement par rapport à ces grands spectacles vous n'ayez pas eu peur de vous y confronter, de vous assuriez... vous assumiez la...
  • Jacques Lassalle
    Ça aurait pu se justifier après quand... par exemple, je suis arrivé au Français avec La Locandiera de... modèle Visconti. Je suis arrivé avec Les Estivants, modèle Stein. Je suis arrivé... J'ai toujours... Alors à l'époque, oui, ça pouvait paraître ou inconscient ou prétentieux. Je dirais volontiers pourquoi ça ne l'était pas, mais à Vitry... c'était tellement confidentiel. C'était tellement... que je ne risquais pas du tout... enfin, je risquais simplement de faire quelque chose de tellement anodin par rapport aux modèles, aux références que... dont je me réclamais. Mais bon ! Ça me paraissait... donc, j'affirmais des similitudes, j'affirmais des... mais j'affirmais aussi des écarts, des... ne serait-ce, par exemple, pour les raisons que je vous dis, on avait investi un... très exactement, un terrain de basket donc c'était des dispositifs scéniques très différents, quadri frontal, enfin, c'est-à-dire le public cernait le... Parce que, là aussi, je suis quelqu'un qui essayait de mettre sur la scène mes passions et mes aspirations de cinéphile, de spectateur de cinéma ou de lecteur de romans... de romans, de nouvelles ou d'essais d'ailleurs... c'est-à-dire de sortir de la rhétorique du théâtre théâtral. Oui enfin, là, j'inverse les... c'est-à-dire, en clair, pour les acteurs, mon rêve, c'était de faire comme Rossellini ou Bresson au cinéma. De prendre dans la rue des gens qui correspondaient exactement à ce à quoi je voulais arriver ; c'est-à-dire je partais de ce à quoi j'aurais dû arriver. Je mettais sur la scène des gens qui n'étaient pas... quelquefois étaient acteurs, un peu, pas beaucoup, pas du tout et je découvrais qu'entre la réalité immédiate de la vie qui me séduisait tellement et la réalité scénique, ça ne raccordait pas. J'ai mis très longtemps à accepter, à comprendre... voilà ! Et donc, du côté des acteurs, je prenais les gens comme je le voulais dans la vie et qui dans la vie me paraissaient exactement ce que je voulais. Et pour les décors, c'était pareil, je raisonnais en termes de décors naturels. Alors, je savais bien qu'il fallait transposer mais j'amenais mon scénographe dans une forêt, je l'amenais dans un quartier de Paris, je l'amenais, voilà ! Je lui disais voilà ! Je voudrais... on va transposer, mais voilà ce que je voudrais sur la scène. J'agissais vraiment comme un cinéaste en repérage etc. Quand je me suis mis à écrire mes pièces, je faisais pareil pour mes textes. J'écrivais une première scène, je l'expérimentais le lendemain, je la corrigeais et dans la nuit, j'écrivais la seconde, voilà ! C'est-à-dire que, pendant un mois, je n'engageais les acteurs que sur un texte de... une petite nouvelle, un synopsis de dix à quinze pages qui racontait la fable de la pièce et j'écrivais la pièce au fur et à mesure. Exactement comme un cinéaste, certains cinéastes le faisaient : côté décor, décor naturel, rêve du décor naturel, côté acteur, des gens de la rue intronisés pour un jour des acteurs et côté texte, mais ça je suis un peu plus tard, une espèce d'improvisation quotidienne qui peu à peu, au bout de quatre, cinq... quatre semaines devient une brochure de théâtre, invariante, enfin qui... où la virgule et la... comptent autant que dans un texte publié mais voilà ! Donc, je partais vraiment de très loin. C'était une opposition radicale à un certain nombre de préalables de... Je redoutais les acteurs traditionnels, je redoutais l'emphase, je redoutais... je redoutais le signe grêle ou anodin, je redoutais la sur-signification métaphorique ou symbolique. Bref ! J'essayais de faire théâtre d'un certain rapport à ce que je croyais être la vérité et le réel voilà. J'ai mis très longtemps ! C'est... Donc, j'étais ravi d'investir un... un terrain de basket et d'imaginer une structure scénique très stylisée puisqu'elle était en volume, elle était purement... Mais, ça me libérait totalement de la rhétorique de la scène frontale, de... Au fond, je n'ai accepté la scène frontale, vraiment, que quand j'ai été nommé au TNS. Et là, je me suis enchanté des pouvoirs de la scène, de la construction, des ateliers, enfin tout... de la machine à illusions théâtrales. Mais j'ai mis quinze ans. Donc, voilà ! Répertoire jusqu'en soixante... pendant trois ans, répertoire... grand répertoire et avec recours à mes souvenirs enchantés de jeune spectateur. Ensuite, deuxième temps, qui correspond à mon arrivée et comme étudiant et ensuite comme assistant à l'Institut d'Etudes théâtrales et à mon arrivée... et à ma prise de conscience plus politique, plus socialisée de Vitry, je m'engage avec beaucoup de résistance, mais quand même, dans un théâtre carrément militant, carrément politique. Donc, je ne monte pas forcément, je ne monte pas Brecht, je ne monte pas les grands... mais je fais mes classes sur des auteurs comme Ruzzante, justement, comme Labiche, comme Shakespeare, Comme il vous plaira, tout de suite après 68. Je fais mes classes sur des oeuvres qui pouvaient prendre en charge une approche qui privilégiait vraiment l'approche politique et militante.
  • Evelyne Ertel
    Dans cette période justement plus militante que vous décrivez, est-ce que l'influence de Brecht était déterminante pour vous ?
  • Jacques Lassalle
    Oui ! Sûrement, peut-être pas autant que chez d'autres, mais, quand même, à ce moment-là, le maître à penser de l'Institut d'Etudes Théâtrales, c'était quand même Brecht, enfin c'était quand même... on aurait presque pu appeler, au grand dam de quelques-uns, on aurait presque pu appeler Les Etudes Théâtrales des années inaugurales, les années Brecht, enfin. C'était Brecht et le Festival de Nancy, c'est-à-dire Brecht et puis aussi le théâtre militant, le théâtre étudiant, le théâtre militant dans le monde, enfin, c'était vraiment... Et donc, j'apprenais Brecht, je lisais Brecht, je voyais beaucoup de spectacles Brecht. J'avais... je n'étais pas du tout un inconditionnel, Le petit Organon... enfin, tout ce qui m'énervait chez Brecht, c'était la notion du "model bourg"... enfin, c'est de constituer chacun des spectacles du Berliner en une sorte de modèle fixé, intangible etc. Oui ! Si je n'ai jamais monté Beckett c'est aussi pour ça, enfin, je n'aime pas qu'un auteur impose simultanément un texte et son vade-mecum et la façon de s'en servir, enfin ! Je n'aime pas ça du tout ! Donc, en ce sens, je n'étais pas Brechtien au sens situé du terme mais beaucoup de choses m'avaient... avaient été des révélations capitales pour moi, bien sûr, le réalisme critique, l'approche dialectique et contradictoire d'une même question, évidement, l'effet d'étrangeté, l'acteur qui cite plus qu'il n'incarne, enfin le " gestus " social, toutes ces notions-là étaient très, très importantes, mais tempérées, modulées, à l'époque où d'autres revendiquaient Brecht comme... comme l'enseigne absolue d'un théâtre d'aujourd'hui, d'un théâtre politique d'aujourd'hui, j'étais... la preuve, c'est que j'ai mis... Il a fallu que j'attende les années 2002 pour que j'affronte Brecht, que j'affronte le Galileo Galilei en m'interrogeant, d'ailleurs beaucoup, après Dort, et dans son sillage, sur les trois versions. Les trois versions, ce qui me passionnait, c'est ça, c'est ce va et vient entre la version de la guerre, la version d'Hollywood et la version du Berliner. La version finlandaise, la version... voilà ! Ce va et vient qui avait sa traduction ô combien historique et politique et idéologique et philosophique dans le rapport... voilà ! Ça, ça m'int... mettre en scène ça, mettre en scène les tensions, les écarts, les contradictions entre ces trois versions, un peu comme pour Woyzeck, enfin, j'aime beaucoup ça aussi, ce va et vient... Mais, comme par hasard, je ne montais pas des oeuvres... non seulement pas Brecht mais même des oeuvres brechtiennes au sens premier du terme. Je proposais une approche, pour une part brechtienne, d'oeuvres qui n'avaient rien à voir avec Brecht. Je récusais aussi beaucoup... je n'aimais pas beaucoup les adaptations de Brecht, je considérais que Le Précepteur de Lenz, que devait monter ces temps-ci d'ailleurs, c'est beaucoup mieux que Le Précepteur d'après... enfin de Brecht d'après Lenz, que Têtes rondes et têtes pointues, c'est beaucoup moins bien que... enfin la pièce de Shakespeare, enfin, voilà ! Que Dom Juan, c'est beaucoup moins bien... que le Dom Juan de Brecht est beaucoup moins bien que le Dom Juan... voilà ! Autrement dit, avec précautions parce que j'étais dans un environnement qui était quand même tellement marqué, tellement... C'est fou, c'est fou ! On oublie ce que Brecht a... Les brechtiens étaient... c'était quand même une engeance de fanatiques enfin ! Il y avait un fanatisme brechtien, à l'époque, ce qui est un comble pour une oeuvre qui se veut, au contraire, l'oeuvre la plus dialectique, la plus contradictoire, la plus... Bref !
  • Evelyne Ertel
    Je crois que 72 marque... va marquer un jalon dans...
  • Jacques Lassalle
    Alors, en 72 il y a... en 72, il y a deux évènements, la ville se dote d'une salle... une salle transformable. Pour la ville, une salle transformable c'était une salle où l'on pouvait faire du théâtre, où l'on pouvait faire le dîner des vieux, où l'on pouvait faire les soirées d'élections, voilà ! C'est une salle qui pouvait se recomposer en fonction de l'usage que l'on en attendait.
  • Evelyne Ertel
    Polyvalente.
  • Jacques Lassalle
    La salle polyvalente, voilà, le mot redoutable c'est le mot polyvalent. Pour la ville, une salle polyvalente c'est une salle où l'on casait tout. Pour le théâtre, une salle transformable, adaptable, c'était magnifique parce que ça reconsidérait, en fonction de la dramaturgie, en fonction de la lecture de l'oeuvre, la relation salle/scène. Et ça, c'était une... une formidable hypothèse qui s'est révélée enfin... la combinatoire n'est pas infinie dans une salle transformable. Mais... donc, nous étions dotés, très peu puisque le Studio-Théâtre qui avait une toute petite subvention désormais de la ville, mais la ville interdisait au ministère de s'en mêler, il y avait des gens au ministère qui auraient volontiers aidé le Studio-Théâtre, la ville... si j'avais reçu une subvention du ministère, la ville aurait re... coupé les ponts. La ville ne voulait... elle voulait affirmer deux choses. Elle voulait affirmer un projet culturel fort, authentique et elle voulait affirmer l'impossibilité de ce projet culturel de se mettre en oeuvre sans transformation radicale de la société. Vous voyez la double affirmation ? On est dans la dialectique : Oui ! Nous voulons un grand projet culturel mais nous voulons aussi montrer que ce grand projet culturel n'est pas possible à inscrire dans la société où nous vivons. Donc, il faut changer cette société pour... voilà ! Je crois que c'est à ce moment-là, je découvre un film de Fassbinder, je crois que c'est Tous les hommes s'appellent Ali...
  • Evelyne Ertel
    Tous les autres s'appellent Ali.
  • Jacques Lassalle
    Tous les autres s'appellent Ali. Je découvre la formidable possibilité de mettre le réel, voilà, de mettre le réel quotidien... Alors, je n'ai pas osé tout de suite aborder... donc la première idée qui était plus une idée dramaturgique induite par la scénographie... J'ai adapté sept nouvelles du Décaméron avec sept acteurs. Et ces acteurs avaient trois statuts, ils étaient les narrateurs de... les narrateurs des sept séquences, ils en étaient les acteurs successifs, de ces séquences, c'est-à-dire des personnages qui n'étaient pas leur personnage initial de narrateurs... c'était très ambitieux, parce que d'abord, ça voulait montrer... ça voulait célébrer cette salle transformable. C'était une sorte de road-movie, vous savez les films qui se... donc le théâtre était un chariot... à mains traîné par les sept acteurs et il s'inscrivait dans sept lieux différents de la salle et les gradins du public étaient aménagés comme une espèce de... Un archipel, voilà ! Le public était aménagé, organisé en petits... en petits îlots et à l'intérieur, entre les îlots, mais en ménageant toujours une vision possible, à chaque spectateur, le chariot se promenait. Voilà du côté de la réponse scénographique et dramaturgique... autre ambition dramaturgique, c'était de raconter l'histoire du théâtre en sept moments. La première nouvelle était traitée sur le mode du conteur, dans une tradition africaine ou... mais pour... mais occidentale aussi, enfin. Et puis, on passait progressivement à des formes plus élaborées, le théâtre d'ombres... et puis voilà... Et on allait jusqu'à la dernière nouvelle qui était, pour le coup, alors traitée de façon très brechtienne comme structure, comme représentation, comme... voilà ! Une espèce d'histoire du théâtre... voilà ! C'était... Nous sommes en pleine époque du théâtre collectif, de l'improvisat... du théâtre d'improvisation... je n'ai jamais cru beaucoup à l'improvisation parce qu'il y a toujours un moment où il faut que quelqu'un fixe même ce qui a été improvisé. Mais l'improvisation, entre Boccace et puis le projet... et puis l'état final du texte, il y a un petit moment d'improvisation, il n'est pas si considérable que ça. Enfin, c'était l'époque, évidemment, où Mnouchkine, enfin où le Théâtre du Soleil, où l'Aquarium... enfin, il y en avait un certain nombre, enfin ! Nous nous inscrivions dans cette dynamique, d'ailleurs. Et, ce n'est pas par hasard si Mnouchkine - c'est un grand souvenir d'ailleurs - était venue voir le spectacle et enfin, elle était très affectueuse. Et elle avait fait en sorte que le spectacle vienne, non pas au Soleil mais à la Tempête. C'est la première sortie un peu officielle. Si on était peut-être allé... on l'avait présenté à Gennevilliers, oui ! Alors, après, je me suis dit, il faut passer à l'écriture. Il faut que dans ce Vitry, où nous faisons un théâtre pour ceux qui n'y vont pas... C'est bien beau de dire nous faisons un théâtre pour ceux qui n'y vont pas, mais ça serait, quand même, bien qu'il y en ait certains qui viennent. Or, le théâtre était fréquenté beaucoup plus par des gens qui venaient de Paris et qui commençaient à... enfin à être plus ou moins un peu sensibles à ce que nous tentions, ce que nous faisions, mais à Vitry... On touchait les gens chez eux, quand on allait dans les quartiers, tout ça, mais ils nous disaient : "Venez nous voir, mais nous on ne vient pas au théâtre, ce n'est pas pour nous, ce n'est pas pour nous". Et donc, je me suis dit, pourquoi ne pas mettre sur la scène ceux que nous voudrions dans la salle. Ce n'est pas la plus sûre façon de les faire venir, mais ça peut aider, quand même. C'est-à-dire ceux que nous voudrions dans la salle et qui n'y sont pas, nous allons en faire les protagonistes sur la scène. Ensuite, la seconde pièce, mais qui n'était plus improvisée... que j'ai... c'était une adaptation très lointaine d'un roman de Fielding, Jonathan... Jonathan Wild le grand, c'est une... Et, j'avais placé l'horizon lointain de ce roman en relation avec deux grands ébranlements, du moment, c'est-à-dire l'affaire Stavisky - qui est assez paradoxale - mais Fielding, l'Affaire Stavisky, le grand scandale politico-financier des années 34 en France et puis le formidable ébranlement du film de Kubrick où il met en scène la société anglaise... J'ai dit : "Mais vous avez lu la pièce ? Tartuffe n'apparaît qu'au troisième acte." "t-t-t-t ! Ça, c'est une idée de mise en scène, encore bravo !" Barry Lyndon, voilà !